Une survivante du noma
soutient à son tour
les personnes touchées
par la maladie

Mulikat Okolanwon est une défenseure des personnes atteintes du noma. Elle travaille à l’hôpital du noma à Sokoto, géré par MSF. Nigéria, 2023. © Fabrice Caterini/Inediz
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Récit à la première personne : Nigéria

Mulikat Okolanwon a été atteinte du noma dans son enfance et elle en est restée gravement défigurée. Après avoir subi plusieurs chirurgies reconstructives à l’hôpital du noma à Sokoto que soutient Médecins Sans Frontières (MSF), dans le nord du Nigéria, elle a fait des études pour devenir professionnelle de la santé. Aujourd’hui, Mulikat apporte un appui en matière d’hygiène et de santé mentale aux patientes et patients atteints du noma dans ce même hôpital. Elle est aussi une défenseure des gens qui ont le noma, voyageant à l’étranger pour sensibiliser à la maladie et raconter son histoire. Elle est cofondatrice d’Elysium, la première association de personnes survivantes du noma. En 2024, elle a été nommée parmi les 100 personnes les plus influentes dans le domaine de la santé par le magazine Time.

Mes premières années ont été difficiles, différentes de celles des autres enfants. J’habitais avec mes grands-parents dans leur village lorsque j’ai été infectée par une maladie inconnue. Ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais la maladie s’est rapidement aggravée et a détruit mon visage.

On m’a envoyée dans un hôpital universitaire près de chez moi et j’ai guéri de la maladie. Cependant, elle a laissé une marque terrible sur mon visage qui m’empêchait de fréquenter les membres de la communauté. Je ne pouvais pas sortir, je ne pouvais aller nulle part. Imaginez une vie où les gens vous fuient. Je ne pouvais pas me regarder dans un miroir ni me faire photographier comme les autres. Je vivais dans la solitude et la dépression en permanence.

Plus tard, j’ai été opérée dans un autre hôpital, mais malgré de multiples tentatives, l’intervention a échoué. L’issue de l’opération a renforcé la panique et l’instabilité émotionnelle de ma famille et de moi-même. Je pleurais tout le temps et j’ai souvent souhaité ne pas avoir survécu pour témoigner de la stigmatisation et de l’impact social de la maladie.

Par chance, j’ai rencontré un professeur à Lagos qui m’a envoyée à l’hôpital du noma à Sokoto. C’était à 24 heures de route. C’est là que j’ai subi avec succès ma première opération de chirurgie plastique. J’ai subi cinq autres opérations au cours des 20 années suivantes.

Après cela, j’ai enfin commencé à m’admirer, à me prendre en photo et à interagir avec les gens de la communauté. Je me suis inscrite à l’école pour rattraper mon retard. Mais certains élèves n’aimaient pas interagir avec moi à cause de mon apparence.

Mon premier emploi à l’hôpital du noma à Sokoto était celui de cuisinière. Plus tard, j’ai décidé de poursuivre mes études pour avoir une carrière. C’était difficile, car j’avais du mal à payer les cours, mais je me suis accrochée. Aujourd’hui, je suis titulaire d’un diplôme en gestion de l’information sanitaire.

En janvier 2018, j’ai commencé à travailler à MSF comme agente de l’hygiène dans cet hôpital, où MSF traite gratuitement les personnes atteintes du noma. Je collabore également avec le département de santé mentale. Entendre mon histoire encourage les gens atteints du noma et leurs familles à continuer à se battre et leur donne de l’espoir.

En 2022, mon parcours en tant que défenseure des gens ayant le noma m’a amenée à quitter le Nigéria pour la première fois. J’ai été invitée en Suisse et j’ai eu l’occasion de raconter mon histoire lors de l’Assemblée mondiale de la santé. Lors de cet événement, le ministre de la Santé du Nigéria a annoncé que notre pays prenait l’initiative de demander l’ajout du noma à la liste des maladies tropicales négligées de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).* Cette inscription est essentielle pour sensibiliser le monde entier au noma et pour obtenir l’attention et les ressources que méritent les personnes atteintes ou survivantes du noma.

Si j’ai décidé de m’exprimer, c’est parce que 90 % des gens qui ont le noma meurent en quelques semaines – alors que c’est une chose que nous pouvons éviter. Il est important de le répéter : le noma est une maladie que l’on peut prévenir et traiter et qui ne devrait plus exister.

« Entendre mon histoire encourage les gens atteints du noma et leurs familles
à continuer à se battre et leur donne de l’espoir. »

J’ai également cofondé la première organisation de personnes survivantes du noma, Elysium. Notre objectif est de soutenir celles-ci comme nous avons été soutenus, afin qu’elles puissent trouver un emploi et mener une vie indépendante. Les personnes vivant avec un handicap ont des habiletés et il n’y a rien que nous ne puissions faire.

MSF soutient l’hôpital du noma à Sokoto du ministère de la Santé nigérian depuis 2014, en fournissant une chirurgie reconstructive, un soutien nutritionnel, un soutien en santé mentale et des activités de proximité pour les personnes comme Mulikat. Depuis 2014, les équipes chirurgicales de MSF ont réalisé plus de 1 150 interventions chirurgicales sur près de 800 individus. Tous les services de l’hôpital du noma à Sokoto sont gratuits.

*En décembre 2023, l’OMS a officiellement ajouté le noma à sa liste des maladies tropicales négligées.

QU’EST-CE QUE LE NOMA?

Le noma est une maladie bactérienne infectieuse, mais non contagieuse, qui débute par une inflammation des gencives, sem- blable à un petit ulcère dans la bouche. L’infection détruit très rapidement les os et les tissus. Elle affecte la mâchoire, les lèvres, les joues et le nez, selon l’endroit où elle se déclare.

Cette maladie touche principalement les enfants de moins de sept ans dans les pays à faible revenu. Les personnes particulière- ment sensibles à ce type de maladie sont celles souffrant de malnutrition et n’ayant pas accès aux produits de première nécessité, notamment l’eau potable et les brosses à dents, pour maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire. Ce sont aussi les gens ayant contracté la rougeole ou le paludisme.