Des temps difficiles au Soudan du Sud

Roseline K. Sammy, sage-femme MSF, examine une femme enceinte à l’hôpital de MSF à Old Fangak, dans l’État de Jonglei. C’est le seul endroit dans la région où les gens peuvent recevoir un traitement pour des maladies graves. Les patients des villages reculés marchent souvent plusieurs heures, voire plusieurs jours, pour accéder à des soins médicaux. Soudan du Sud, novembre 2020. © Tetiana Gaviuk / MSF
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L’AFFECTATION DE MAMMAN MUSTAPHA AVEC MSF AU SOUDAN DU SUD DEVAIT DURER SEULEMENT NEUF MOIS, MAIS EN RAISON D’UNE SÉRIE D’ÉVÉNEMENTS INATTENDUS, IL Y EST RESTÉ PRESQUE DEUX FOIS PLUS LONGTEMPS QUE PRÉVU.

Mamman Mustapha Coordonnateur de projet South Sudan

Je suis arrivé à l’hôpital d’Old Fangak en avril 2019 pour travailler à titre de coordonnateur de projet; j’étais responsable de tous les aspects non médicaux de l’hôpital, comme l’approvisionnement, la sécurité et le recrutement.

Ma première impression : il s’agissait d’une région très isolée, un immense marais. Environ 5 000 personnes vivaient ici avant, mais maintenant on en compte plus de 20 000 depuis que de nombreuses familles sont arrivées pour échapper au conflit armé ces dernières années.

PAS DE ROUTES NI DE VOITURES, SEULEMENT DES BATEAUX

L’eau est souvent à hauteur de poitrine. Ainsi, lorsqu’une personne a besoin de soins, ce sont parfois des amis ou des membres de sa famille qui doivent la transporter depuis son village jusqu’à l’hôpital. Ou encore, ils envoient un message pour que nous dépêchions un bateau faisant office d’ambulance. Cette situation survient presque tous les jours, parfois trois fois par jour.

Puisqu’il n’y a pas de réseau téléphonique, les gens sollicitent généralement l’aide de la personne la plus forte disponible pour marcher rapidement et nous informer que quelqu’un a besoin de soins médicaux, ou bien ils demandent aux pêcheurs ou aux bateaux commerciaux sur la rivière de nous transmettre le message.

Les gens savent très bien faire passer l’information — ils sont traumatisés, ils ont été témoins de la guerre et ils ont été déplacés plusieurs fois. Maintenant, dès que quelque chose se produit, ils partagent l’information très rapidement.

UN AUTRE TYPE DE VIOLENCE

Depuis 2018, les combats actifs ont cessé autour d’Old Fangak, mais les conflits se poursuivent entre les différents clans et les différentes familles. Nous traitons aujourd’hui un plus grand nombre de personnes blessées par la violence qu’à mon arrivée.

Les habitants d’Old Fangak sont très sympathiques et nous offrent toujours une tasse de thé. Je m’asseyais souvent au marché le weekend pour discuter et construire des liens entre MSF et la communauté.

DU PALUDISME À LA MALNUTRITION

On voit toutes sortes de besoins médicaux à l’hôpital, puisque c’est le seul de la région. Le paludisme est très fréquent. La malnutrition est courante durant la « période de soudure », la période de l’année entre la plantation des cultures et les récoltes. Nous voyons des urgences obstétricales, des infections des voies respiratoires, ainsi que des cas de tuberculose, de VIH et d’autres maladies chroniques. Pendant la saison des pluies, nous voyons beaucoup de patients présentant des morsures de serpents; les serpents venimeux pullulent dans la région et les gens sont exposés aux morsures, car ils dorment dehors, travaillent dans l’herbe et marchent pieds nus.

Cette année, les précipitations ont été moindres que les années précédentes, et nous nous inquiétons d’une pénurie alimentaire, alors que d’un autre côté, il y a un risque d’inondation puisque tout le monde vit près de l’eau.

COVID-19 : UNE PRÉOCCUPATION DE PLUS

J’avais prévu d’occuper le poste de coordonnateur de projet MSF pendant neuf mois, mais j’ai ensuite proposé de rester encore trois mois, histoire de vivre l’expérience de chacune des saisons de l’année. J’ai donc continué à travailler à Old Fangak pour approfondir ma compréhension de la culture, du contexte et des besoins de la communauté.

Puis, la pandémie de COVID-19 a été déclarée et je suis resté cinq mois de plus. Le pays s’est confiné, et il est devenu plus difficile d’obtenir des fournitures et d’accueillir du nouveau personnel. Nous nous sommes concentrés sur le maintien de nos activités essentielles à l’hôpital.

Nous comptons environ 150 employés recrutés localement, et nous les avons formés au port du masque, au maintien de la distanciation physique et au lavage fréquent des mains. Nous ne disposons pas de tests de dépistage pour confirmer les cas de COVID-19, mais nous avons vu nos deux premiers cas probables en mai et juin. Une personne est morte.

Nous réservons deux lits pour isoler et traiter les cas probables de COVID-19 en toute sécurité. La COVID-19 n’est qu’un besoin médical parmi tant d’autres qui nous préoccupent.

LES RAISONS

La saison des pluies est ma période préférée, car c’est elle qui soulève le plus de défis. Il y a de la boue partout, et parfois notre avion d’approvisionnement ne peut pas atterrir et nous dépendons de la nourriture locale. Vous voyez tous les beaux insectes, et le coucher de soleil ressemble à du feu dans le ciel.

Mamman Mustapha, originaire du Nigéria, est coordonnateur de projet à MSF. Soudan du Sud. 2020. © MSF