Améliorer les soins au Darfour-Occidental, un petit pas à la fois

Aghendia Alemngu, infirmière de MSF, a travaillé à l’hôpital d’enseignement de Geneina, au Darfour-Occidental. Soudan, 2021. © MSF
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COMMENT DE PETITS CHANGEMENTS PEUVENT AVOIR UN GRAND IMPACT

Aghendia Alemngu Infirmière Soudan

Mon premier contact avec Médecins Sans Frontières (MSF) remonte à février 2014. Je travaillais alors au Cameroun, mon pays natal, pour le ministère de la Santé, dans un hôpital de district situé près de la frontière avec la République centrafricaine. La région était submergée par un afflux massif de personnes réfugiées et l’hôpital se remplissait d’un nombre toujours plus élevé de personnes ayant besoin de soins. MSF a dépêché une équipe pour procéder à une évaluation et a rapidement implanté un programme de soutien aux personnes réfugiées. Je me suis alors dit qu’il me fallait absolument travailler pour MSF avant la fin de mes jours.

LA BOÎTE MAGIQUE

Je travaillais au service de maternité. Compte tenu de la forte augmentation du nombre de femmes qui venaient y accoucher, il s’avérait difficile d’assurer les soins auprès des bébés prématurés et ceux souffrant d’une insuffisance pondérale grave. Près de la maternité, l’équipe de MSF a installé un service de soins néonatals sous des tentes. Elle nous a alors présenté ce qui serait plus tard surnommé la « boîte magique » : une couveuse fabriquée sur place avec du bois et des couvertures de survie aluminisées.

GENEINA

Les « boîtes magiques » ont sauvé de nombreuses vies. J’ai compris que pour agir concrètement, la technologie n’était pas absolument nécessaire. De petits changements, adaptés à la réalité médicale d’un contexte particulier, un brin de créativité et une démarche stratégique peuvent avoir un impact réel. J’ai pu le constater moi-même à l’hôpital d’enseignement de Geneina, au Darfour-Occidental, où je suis sur le point de terminer mon affectation.

Depuis de nombreuses années, Geneina, la capitale de cet État du Soudan, est en proie à des conflits intercommunautaires sporadiques. Des milliers de personnes ont dû fuir la violence, laissant derrière elles leur foyer et leurs moyens de subsistance. Dans le meilleur des cas, ces gens sont confrontés au manque d’aliments nutritifs et à de mauvaises conditions d’approvisionnement en eau et d’assainissement, tandis que les soins médicaux sont à la fois rares et coûteux.

MSF soutient l’hôpital de Geneina depuis la mi-mai [2021]. Former le personnel était alors prioritaire, notamment en ce qui a trait au triage, aux plans d’intervention en cas d’incident à très lourd bilan, ainsi qu’aux mesures de prévention et de contrôle des infections. L’organisation gère également des cliniques mobiles envoyées vers les « lieux de rassemblement », où se trouvent désormais les personnes ayant fui la violence.

Collaborant avec l’équipe du ministère de la Santé, j’ai travaillé au service de malnutrition de l’hôpital, pour prodiguer des soins aux enfants malnutris âgés de moins de cinq ans.

Nous avons observé une augmentation des cas de malnutrition. Un grand nombre de parents à qui j’ai parlé m’ont confié que le travail est précaire et qu’ils sont forcés de faire des choix difficiles quant à la façon de dépenser leur argent et de se nourrir. Bien des familles souffrent de faim ou consomment des aliments très peu nutritifs.

La mère d’un enfant que nous avons pris en charge m’a ainsi raconté qu’après la mort de son mari lors du dernier conflit, se procurer de la nourriture est devenu un souci constant pour elle. Certains jours, elle doit laisser son enfant au lit pendant qu’elle travaille à transporter des briques, afin de gagner à grand peine l’argent nécessaire pour acheter des aliments.

PETITS CHANGEMENTS, GRANDS RÉSULTATS

Le service de 51 lits consacré à la malnutrition où nous traitons les cas compliqués fonctionne déjà de 85 % à 90 % de sa capacité.

L’ampleur des défis nous dépasse parfois. Cependant, le souvenir que de petits changements peuvent engendrer de grands résultats, comme ce fut le cas au Cameroun, a été pour moi une source de réconfort pendant mon affectation à Geneina.

Là, j’ai été témoin de la motivation du corps médical et du personnel infirmier de l’hôpital, lesquels souhaitent parfaire leurs connaissances en vue d’améliorer les soins prodigués dans un contexte difficile. MSF a collaboré au perfectionnement de leurs compétences et à l’acquisition de nouvelles méthodes de travail susceptibles d’aider les personnes malades.

LA PROTECTION DES PATIENTS ET DES PATIENTES

À l’approche de la fin de mon affectation à Geneira, je remarque déjà des améliorations sur le plan de l’hygiène, de l’assainissement et des autres mesures de prévention et de contrôle des infections. Je constate aussi des progrès pour ce qui concerne la documentation des dossiers des patients et des patientes. Ces changements peuvent sembler minimes, mais ils sont néanmoins essentiels pour assurer la protection des malades, du personnel soignant et du personnel médical. Un exemple : au service de malnutrition, nous avons soigné une petite fille de 18 mois pour des lésions buccales l’empêchant de manger. Après 13 jours de prise en charge dans ce service, son état s’était suffisamment amélioré pour que nous puissions autoriser sa sortie.

© Stephan Oberreit